Prévention des troubles auditifs pour le personnel de piste

Sur le tarmac, le bruit n’est pas qu’un inconfort : c’est un risque professionnel majeur. Les personnels de piste, qu’ils soient agents de trafic, bagagistes, conducteurs de tracteurs ou agents de maintenance, sont exposés quotidiennement à des niveaux sonores extrêmement élevés. Le bruit des réacteurs d’avions, les alarmes, les véhicules de service, les appareils d’assistance au sol génèrent des ambiances acoustiques souvent bien au-delà des seuils de danger auditif, pouvant dépasser 130 décibels au roulage ou au démarrage moteur.

Prévention des troubles auditifs pour le personnel de piste

Dans ce contexte, la prévention des troubles auditifs devient un enjeu QHSE central. Car perdre progressivement l’ouïe, c’est aussi perdre un sens essentiel pour la sécurité, la communication et la réactivité sur un site aéroportuaire.


I. Comprendre les risques auditifs liés au travail en piste


A. Les sources de bruit sur le tarmac

Le personnel de piste est exposé à :

  • des bruits impulsionnels : mise en route des réacteurs, freinages, chutes de conteneurs,
  • des bruits continus : fonctionnement des groupes électrogènes, climatisations d’aéronefs (GPU, ACU),
  • des bruits d’alerte et de communication : sirènes, signaux, haut-parleurs, interphones.

Les niveaux mesurés varient entre 85 et 140 dB, ce qui dépasse largement les seuils réglementaires en matière d’exposition sonore professionnelle.


B. Conséquences sur la santé auditive

Une exposition répétée ou brutale à ces niveaux de bruit peut entraîner :

  • des traumatismes sonores aigus (acouphènes, surdité brutale),
  • des pertes auditives irréversibles (presbyacousie précoce),
  • une fatigue cognitive accrue et une baisse de la vigilance,
  • des troubles de l’équilibre ou du sommeil.

L’atteinte auditive est souvent progressive et indolore, ce qui retarde la réaction… jusqu’à ce qu’il soit trop tard.


C. Enjeux organisationnels et juridiques

L’entreprise peut être tenue responsable :

  • en cas de défaut de prévention,
  • d’absence d’équipements adaptés,
  • de non-respect des seuils réglementaires fixés par le Code du travail (article R. 4431-2).

La reconnaissance d’une maladie professionnelle liée au bruit a également un impact économique et assurantiel important.


II. Réglementation et repères QHSE sur l’exposition au bruit


A. Seuils réglementaires d’exposition

En France, les seuils d’action sont :

  • 80 dB(A) : obligation de mise à disposition d’EPI (bouchons, casques),
  • 85 dB(A) : obligation de port d’EPI, de suivi audiométrique et d’évaluation des risques,
  • 87 dB(A) : seuil d’exposition maximal autorisé, EPI inclus.

Des mesures en décibels crête (dB(C)) s’appliquent aussi pour les bruits impulsionnels : 137 dB est la limite.


B. Obligations de l’employeur

L’entreprise doit :

  • évaluer les niveaux d’exposition sonore,
  • mettre en place une protection collective et individuelle efficace,
  • former les salariés aux risques auditifs,
  • organiser un suivi médical adapté.

Ces obligations s’intègrent dans la démarche globale de prévention QHSE sur site.


C. Environnement réglementé mais évolutif

De nombreuses recommandations complémentaires sont émises par :

  • l’INRS,
  • l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA),
  • les services de santé au travail.

La prévention auditive doit être actualisée régulièrement en fonction de l’évolution des matériels et des pratiques.


III. Mettre en place une prévention efficace sur le terrain


A. Réduire le bruit à la source

Même si la piste ne peut pas être silencieuse, il est possible de :

  • choisir des véhicules et équipements moins bruyants (nouveaux moteurs, amortisseurs acoustiques),
  • limiter le temps d’exposition près des zones actives,
  • optimiser la logistique des interventions pour éviter l’accumulation de sources sonores.

Les zones de bruit fort doivent être clairement identifiées, balisées et contrôlées.


B. Adapter les équipements de protection individuelle (EPI)

Le port d’EPI est incontournable :

  • bouchons moulés sur mesure pour les utilisateurs réguliers,
  • casques antibruit avec atténuation active pour les zones très exposées,
  • systèmes radio intégrés pour ne pas sacrifier la communication.

Les EPI doivent être :

  • confortables, pour favoriser leur port,
  • vérifiés et remplacés régulièrement,
  • adaptés à chaque tâche (y compris pour les conducteurs d’engins, guides, opérateurs de manutention…).

C. Former et sensibiliser

Chaque salarié doit être informé :

  • des risques auditifs,
  • du fonctionnement et de l’entretien de ses EPI,
  • des signes précoces d’atteinte auditive (acouphènes, sifflements…).

La formation peut être incluse dans :

  • les accueils sécurité,
  • les briefings hebdomadaires,
  • les campagnes de prévention internes.

Un personnel bien formé est un personnel plus vigilant et mieux protégé.


IV. Assurer le suivi et améliorer en continu


A. Suivi médical spécifique

Les salariés exposés à un bruit ≥ 85 dB doivent bénéficier :

  • d’un examen audiométrique régulier,
  • d’un dossier médical adapté,
  • d’un suivi renforcé en cas de signes d’atteinte auditive.

Le médecin du travail peut recommander des aménagements de poste ou des équipements spécifiques.


B. Audits et mesures de terrain

Le service QHSE peut :

  • organiser des mesures sonores à l’aide de sonomètres,
  • réaliser des cartographies du bruit sur les zones de circulation, d’attente ou d’intervention,
  • auditer les comportements liés au port des EPI.

Ces données doivent être analysées régulièrement pour ajuster les plans d’action.


C. Intégrer la prévention auditive dans la culture sécurité

Les troubles auditifs sont souvent sous-déclarés car progressifs. Pour les éviter :

  • mettre en place des indicateurs QHSE bruit,
  • valoriser les bons comportements (port constant des EPI),
  • intégrer le sujet dans les retours d’expérience (REX), les revues de direction et les comités sécurité.

Conclusion

Sur la piste, le bruit est omniprésent, mais ses effets ne doivent pas être banalisés. La perte auditive n’est pas une fatalité : elle peut être évitée par une prévention efficace, structurée, et portée collectivement.

Le rôle du QHSE est de transformer cette problématique en réflexe professionnel, pour protéger un sens aussi indispensable que souvent négligé.

La vraie question est donc : sur vos pistes, le personnel entend-il encore bien… ou déjà trop tard ?


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