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13/05/2025

Analyse des risques liés aux médicaments cytotoxiques : quelles mesures de protection ?

Utilisés principalement en oncologie, les médicaments cytotoxiques sont essentiels dans le traitement de nombreux cancers. Leur efficacité repose sur leur capacité à détruire les cellules à division rapide… mais cette puissance thérapeutique s’accompagne de risques majeurs pour les professionnels de santé qui les manipulent ou y sont exposés.

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Ces substances peuvent être mutagènes, tératogènes ou cancérogènes, même à faibles doses. Il est donc crucial de mettre en place des mesures de prévention robustes tout au long de leur cycle de vie : réception, préparation, administration, élimination.

Dans cet article, nous détaillons les principaux risques liés aux médicaments cytotoxiques et les dispositifs de protection indispensables dans une démarche QHSE cohérente.


I. Comprendre les risques associés aux médicaments cytotoxiques


A. Définition et propriétés


Les médicaments cytotoxiques regroupent plusieurs familles de substances destinées à détruire les cellules cancéreuses ou à inhiber leur prolifération. On y retrouve :

  • les agents alkylants (cyclophosphamide, ifosfamide),
  • les antimétabolites (méthotrexate, fluorouracile),
  • les inhibiteurs des topoisomérases, taxanes, anthracyclines…

Ces molécules, bien qu’indispensables aux soins, sont classées substances dangereuses au sens du Code du travail et agents CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques).


B. Modes d’exposition professionnels


Les expositions peuvent survenir :

  • par inhalation (aérosols, vapeurs, poussières lors de la reconstitution ou du nettoyage),
  • par voie cutanée (contact direct avec les solutions, surfaces ou déchets contaminés),
  • par voie digestive (manipulation sans lavage des mains ou port de gants, erreurs d’hygiène).

Les services à risque incluent :

  • les pharmacies hospitalières,
  • les services d’oncologie ou de soins palliatifs,
  • les services de transport et de logistique hospitalière,
  • les blanchisseries, services de nettoyage, élimination des DASRI.


C. Effets sur la santé


L’exposition aux cytotoxiques peut provoquer :

  • des irritations cutanées ou oculaires,
  • des troubles respiratoires,
  • des effets génotoxiques (modifications de l’ADN),
  • une augmentation du risque de cancer,
  • des troubles de la reproduction chez les femmes enceintes ou en âge de procréer.

Ces risques justifient une vigilance extrême dans tous les établissements concernés.


II. Cadre réglementaire et obligations de prévention


A. Réglementation applicable


En France, les obligations liées à l’exposition aux cytotoxiques sont définies par :

  • le Code du travail (articles R.4412-1 et suivants pour les agents chimiques dangereux),
  • la réglementation relative aux agents CMR (catégorie 1A et 1B),
  • les exigences spécifiques sur la prévention du risque chimique (FDS, étiquetage, formation…),
  • les textes relatifs aux déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI).

Le Plan Cancer et les recommandations de l’INRS ou de l’ANSM complètent ce cadre.


B. Responsabilités de l’employeur


L’établissement de santé ou l’entreprise prestataire doit :

  • évaluer les risques d’exposition dans chaque zone à risque,
  • mettre en œuvre les mesures de prévention collective et individuelle,
  • former le personnel concerné,
  • assurer une surveillance médicale renforcée des salariés exposés.

Le non-respect de ces obligations peut engager la responsabilité pénale du responsable d’établissement.


III. Mesures de protection collective à mettre en place


A. Conception des locaux et équipements


Les zones de préparation doivent être :

  • physiquement séparées des autres services,
  • équipées de systèmes de ventilation adaptés avec filtration HEPA,
  • dotées de salles blanches pour les préparations stériles.

Les postes de travail doivent intégrer :

  • des isolateurs ou hottes à flux laminaire, classe II minimum,
  • des plans de travail imperméables, nettoyables et sans aspérités,
  • des systèmes de confinement pour les préparations.


B. Organisation du circuit de traitement


Un circuit fermé doit être mis en place :

  • réception sécurisée des médicaments,
  • préparation centralisée en pharmacie hospitalière ou PUI,
  • transport interne en chariot dédié, fermé et signalé,
  • stockage sécurisé, avec limitation des quantités sur le poste de soins.

Une procédure écrite doit encadrer chaque étape.


C. Gestion des déchets


Les déchets contaminés (seringues, tubulures, flacons, gants, champs, etc.) doivent être :

  • collectés dans des conteneurs étanches, normalisés et hermétiques,
  • éliminés en filière DASRI, selon les recommandations en vigueur,
  • manipulés avec gants, blouse et lunettes de protection jusqu’à leur destruction.


IV. Mesures de protection individuelle et bonnes pratiques


A. Équipements de protection individuelle (EPI)


Les EPI doivent être portés systématiquement par tout personnel intervenant :

  • gants en nitrile à usage unique, changés toutes les 30 minutes ou en cas de déchirure,
  • blouse imperméable, sans ouverture frontale, à manches longues,
  • lunettes de protection ou visière anti-projection,
  • masque FFP3 en cas de risque d’aérosols.

Les EPI doivent être jetés dans la filière DASRI après usage.


B. Gestes professionnels sûrs


Les bonnes pratiques incluent :

  • ne jamais récapuchonner les aiguilles,
  • éviter les manipulations inutiles,
  • travailler en zone de sécurité, dans un environnement contrôlé,
  • effectuer un lavage de mains rigoureux avant et après chaque manipulation.

Le personnel doit également être formé aux gestes d’urgence en cas de projection ou de contact accidentel.


C. Précautions pour les femmes enceintes


Les femmes enceintes ou allaitantes doivent être écartées des tâches à risque, conformément au Code du travail.

Des aménagements de poste doivent leur être proposés dès le premier jour de déclaration de grossesse.


V. Suivi, traçabilité et amélioration continue


A. Surveillance médicale


Les salariés exposés doivent bénéficier :

  • d’un suivi médical renforcé, avec entretiens réguliers,
  • d’un dossier médical spécifique, incluant les substances manipulées et les incidents éventuels,
  • d’une notification à la médecine du travail en cas de grossesse ou d’allaitement.


B. Formation et information


Une formation initiale et continue doit porter sur :

  • les risques liés aux cytotoxiques,
  • les modes d’exposition possibles,
  • l’usage correct des EPI et des équipements de protection collective,
  • la gestion des déchets et des incidents.

Des supports pédagogiques visuels doivent compléter la formation.


C. Retours d’expérience et audits


Chaque incident ou situation à risque doit faire l’objet :

  • d’un signalement structuré,
  • d’une analyse des causes,
  • d’un retour d’expérience collectif,
  • d’un ajustement des procédures si nécessaire.

Des audits réguliers doivent être réalisés sur les pratiques réelles, au plus proche du terrain.


Conclusion


La manipulation des médicaments cytotoxiques implique une responsabilité partagée entre l’établissement, les professionnels de santé et les acteurs QHSE. Ces substances ne tolèrent aucune approximation : la protection doit être technique, organisationnelle et humaine.


La vraie question est donc : vos équipes sont-elles vraiment protégées… ou seulement exposées de façon « contrôlée » ?


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