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27/05/2025

Gestion des temps de repos et prévention de la somnolence au volant

La somnolence au volant est aujourd’hui reconnue comme l’une des principales causes d’accidents mortels sur la route, notamment sur les trajets professionnels. Elle représente un facteur aggravant comparable à l’alcool ou à l’usage de stupéfiants, mais reste souvent sous-estimée car difficilement mesurable après coup.

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Les conducteurs professionnels (chauffeurs, livreurs, techniciens itinérants, agents d’intervention…) sont particulièrement exposés, en raison des horaires décalés, des longues distances, du stress logistique ou de la pression des délais.

Pour les employeurs, la gestion des temps de repos et la prévention de la somnolence s’imposent comme un enjeu QHSE à part entière, mêlant sécurité, santé, organisation du travail et responsabilité juridique.


I. Identifier les risques liés à la somnolence au volant


A. Un risque physiologique inévitable


La somnolence est un phénomène biologique naturel, accentué par :

  • le rythme circadien (entre 2h et 5h, et entre 13h et 15h),
  • la fatigue accumulée (manque de sommeil chronique, nuits trop courtes),
  • les conditions de conduite monotones (autoroute, trajet linéaire, vitesse constante),
  • certains médicaments ou pathologies (troubles du sommeil, apnée, diabète…).

Une somnolence même légère peut entraîner :

  • une réduction des réflexes,
  • une perte de vigilance,
  • une période de micro-sommeil de quelques secondes (avec des conséquences souvent dramatiques).


B. Données et conséquences d’un accident lié à la fatigue


En France :

  • environ 1 accident mortel sur 5 sur autoroute est lié à l’endormissement,
  • les accidents impliquant la somnolence sont plus souvent mortels, en raison de l’absence de freinage ou d’évitement,
  • la majorité des conducteurs sous-estiment leur niveau de fatigue.

Un accident dû à la somnolence peut engager :

  • la responsabilité civile ou pénale du conducteur,
  • dans le cadre professionnel, la responsabilité de l’employeur en cas de non-respect du temps de repos ou d’organisation défaillante.


C. Populations les plus à risque


Les conducteurs les plus exposés sont :

  • les chauffeurs de poids lourds ou d’autocars,
  • les techniciens en déplacement fréquents,
  • les salariés effectuant des tournées longues ou de nuit,
  • les jeunes conducteurs, souvent plus sensibles à la privation de sommeil.


II. Mettre en place une politique de gestion des temps de repos


A. Respect du cadre réglementaire


En France, le Code du travail et la réglementation européenne imposent :

  • un temps de repos quotidien minimum de 11 heures consécutives,
  • un repos hebdomadaire de 35 heures,
  • des règles spécifiques pour les conducteurs routiers (temps de conduite, pauses obligatoires, tachygraphe…).

L’employeur doit veiller à :

  • ne pas programmer d’horaires ou de trajets incompatibles avec ces durées,
  • tenir compte des temps de trajet dans l’aménagement du planning,
  • intégrer la fatigue comme un facteur de risque professionnel dans le DUERP.


B. Organisation du travail et anticipations


La prévention passe par :

  • une planification réaliste des tournées et des missions,
  • l’aménagement des plages horaires pour éviter les départs très tôt ou les retours tardifs,
  • la réduction des temps de conduite cumulés sur plusieurs jours,
  • l’incitation à faire des pauses toutes les 2 heures de conduite.

Les outils numériques (GPS intelligents, logiciels de planification, géolocalisation) peuvent être utilisés pour adapter les plannings en temps réel sans sacrifier la sécurité.


C. Culture d’entreprise et droit à la déconnexion


Il est essentiel de :

  • sensibiliser les managers aux risques de surcharge ou d’astreinte excessive,
  • éviter les sollicitations en dehors du temps de repos (mails, appels, notifications),
  • instaurer un droit à la récupération après un déplacement long ou éprouvant,
  • encourager les salariés à faire remonter les situations à risque liées à la fatigue.

Une politique QHSE cohérente considère le sommeil et la récupération comme une ressource à protéger, au même titre que l’aptitude physique ou les EPI.


III. Agir sur la prévention individuelle et collective


A. Informer et sensibiliser les salariés


Une communication régulière est nécessaire :

  • sur les signes avant-coureurs de la somnolence (bâillements, raideur de la nuque, pertes de concentration…),
  • sur les conséquences possibles d’un micro-sommeil,
  • sur l’importance de ne pas minimiser sa fatigue,
  • sur les bonnes pratiques en déplacement (sieste, hydratation, pauses, alimentation…).

Des campagnes internes, des causeries sécurité ou des supports visuels peuvent aider à ancrer les bons réflexes.


B. Encourager la micro-sieste et les pauses efficaces


Plutôt que d’encourager à "tenir bon", il faut :

  • valoriser la sieste flash (10 à 20 minutes) comme un outil de performance,
  • prévoir des espaces de repos dans les centres logistiques ou sites d’intervention,
  • intégrer une pause systématique de 15 à 20 minutes toutes les 2 heures de conduite,
  • favoriser les conditions de pause de qualité (environnement calme, ombragé, sécurisé…).

La sieste préventive avant un trajet long est également un outil reconnu.


C. Suivre les incidents et ajuster la politique


L’employeur doit :

  • recueillir les remontées terrain liées à la fatigue (quasi-accidents, trajets difficiles…),
  • suivre les indicateurs d’accidents ou de sinistralité routière,
  • adapter les consignes QHSE si besoin : fiches mission, durée max de trajet, droit de refus d’un départ…

La mise à jour du DUERP doit intégrer les retours d’expérience sur les trajets à risque ou les cas de fatigue déclarée.


Conclusion


La somnolence au volant n’est pas un phénomène marginal ou inévitable. C’est un risque professionnel identifiable, mesurable et maîtrisable à condition de repenser l’organisation des temps de travail et la culture de la vigilance.

Protéger les conducteurs, c’est aussi préserver la vie des autres usagers, l’image de l’entreprise et la pérennité des équipes terrain.


La vraie question est donc : vos salariés sont-ils juste formés à la conduite… ou également à la récupération ?


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