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13/07/2025

Réhabilitation de bâtiments amiantés : gestion des risques et coordination SPS

La réhabilitation de bâtiments anciens constitue un enjeu majeur pour la transition écologique, la valorisation du patrimoine et la mise aux normes des infrastructures. Cependant, lorsqu’il s’agit d’intervenir sur des bâtiments contenant de l’amiante, le chantier prend une toute autre dimension. L’amiante, matériau longtemps utilisé pour ses propriétés isolantes et ignifuges, est aujourd’hui reconnu comme hautement toxique. Sa manipulation exige des protocoles stricts, un encadrement rigoureux, et une coordination sans faille entre les acteurs du chantier.

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Dans ce contexte, la coordination SPS (Sécurité et Protection de la Santé) joue un rôle central pour garantir la sécurité des travailleurs et limiter l’exposition aux fibres dangereuses. Cet article propose une analyse approfondie des risques liés à l’amiante dans les projets de réhabilitation, des obligations réglementaires, des bonnes pratiques de désamiantage et du rôle stratégique du coordonnateur SPS.


I. Comprendre les risques liés à l’amiante en réhabilitation


A. L’amiante : un danger toujours présent


Interdit en France depuis 1997, l’amiante reste omniprésent dans de nombreux bâtiments construits avant cette date. On le retrouve dans :

  • les flocages, calorifugeages, faux plafonds,
  • les dalles de sol, enduits, conduits,
  • les gaines techniques et matériaux isolants.


Le danger réside dans l’inhalation de fibres microscopiques, invisibles à l’œil nu, qui peuvent provoquer de graves maladies respiratoires : asbestose, mésothéliome, cancers broncho-pulmonaires, parfois plusieurs dizaines d’années après l’exposition.


Une simple perforation, ponçage, ou démolition partielle peut libérer ces fibres, exposant ouvriers, riverains, et occupants futurs.


B. Classification des matériaux et niveaux de risque


La réglementation distingue trois types d’interventions :

  • Sous-section 3 (SS3) : retrait ou encapsulage de matériaux amiantés (travaux de désamiantage)
  • Sous-section 4 (SS4) : interventions sur matériaux non friables contenant de l’amiante (maintenance, perçage, etc.)
  • Hors amiante : si les diagnostics ne révèlent pas de présence ou si les matériaux ne sont pas impactés.


La durée d’exposition, la friabilité des matériaux, le confinement, et les conditions de ventilation influencent fortement le niveau de risque.


II. La gestion réglementaire et technique des risques amiante


A. Diagnostics obligatoires et repérage avant travaux


Avant toute intervention, le repérage amiante avant travaux (RAAT) est obligatoire (Décret n°2017-899 du 9 mai 2017). Réalisé par un opérateur certifié, il identifie les matériaux amiantés susceptibles d’être impactés par les travaux.

Les résultats du repérage orientent les choix techniques :

  • Maintien en l’état avec protection
  • Encapsulage
  • Retrait total (désamiantage)


Un plan de retrait ou un mode opératoire doit ensuite être validé par l’Inspection du Travail et la CARSAT selon le type d’intervention.


B. Les obligations des entreprises et du maître d’ouvrage


Le maître d’ouvrage est responsable de :

  • fournir les diagnostics préalables aux entreprises,
  • vérifier les certifications SS3 ou SS4,
  • transmettre les documents aux intervenants (DTA, RAAT, plans).


Les entreprises intervenantes, quant à elles, doivent :

  • être certifiées selon leur activité (SS3/SS4),
  • former leurs salariés (travail en atmosphère amiantée),
  • assurer le suivi médical renforcé,
  • mettre en œuvre les protections collectives et individuelles (confinement, extracteurs, EPI, contrôles d’empoussièrement).


C. Les moyens de protection sur le terrain


Les moyens techniques comprennent :

  • Unités mobiles de décontamination (UMD) pour les travailleurs,
  • Captage à la source (aspiration directe des poussières),
  • Confinement étanche et dépression du volume de travail,
  • Mesures d’empoussièrement pour contrôler l’exposition (3 niveaux selon le Code du Travail),
  • EPI spécifiques : masques à filtres P3, combinaisons étanches, gants, bottes jetables.


Ces équipements ne remplacent jamais la suppression du risque à la source, mais restent indispensables pour protéger les opérateurs.


III. Le rôle déterminant du coordinateur SPS dans un chantier amianté


A. Une mission de coordination centrale pour la sécurité collective


Dans tout chantier de réhabilitation impliquant plusieurs entreprises, le maître d’ouvrage est tenu de désigner un coordonnateur SPS (selon le décret n°94-1159 du 26 décembre 1994).

Sa mission consiste à :

  • analyser les interactions entre entreprises pour éviter les co-activités dangereuses,
  • planifier les interventions à risque, notamment celles en présence d’amiante,
  • intégrer les données amiante dans le PGC-SPS (Plan Général de Coordination en matière de Sécurité et de Protection de la Santé),
  • s'assurer de la circulation de l’information sécurité entre tous les intervenants.


B. Intégrer l’amiante dans le PGC-SPS


Le PGC-SPS doit intégrer :

  • les zones à risque d’exposition aux fibres,
  • les conditions de confinement et d’accès,
  • les modalités de coordination des interventions amiantées avec d’autres corps de métier,
  • les temps de latence nécessaires à la décontamination.


Il constitue un document de référence transmis à toutes les entreprises, intégré au PPSPS (Plan Particulier de Sécurité et de Protection de la Santé) de chaque sous-traitant.


C. Exemples d’incidents évités grâce à une bonne coordination


  • Cas 1 : un lot peinture prévoyait une intervention sur un mur amianté. L’absence de RAAT aurait provoqué une contamination. Le coordonnateur SPS a exigé le repérage et modifié le planning.
  • Cas 2 : lors d’un remplacement de menuiserie, un linteau en fibrociment non identifié risquait d’être scié. Grâce à la coordination, le lot menuiserie a été informé et l’intervention adaptée.


Le rôle du coordonnateur SPS ne se limite pas à la prévention, il est le garant d’une circulation fluide de l’information et d’une hiérarchisation des risques selon les séquences de travaux.


Conclusion


La réhabilitation de bâtiments amiantés ne peut se résumer à un simple retrait de matériaux toxiques. Elle exige une gestion fine des risques, une anticipation rigoureuse des interventions, une transparence entre les acteurs et une parfaite coordination sur le terrain. Le coordonnateur SPS, souvent en retrait dans d’autres types de chantiers, devient ici une clé de voûte de la sécurité collective.

Face à la complexité croissante des projets de réhabilitation, à la diversité des intervenants, et aux exigences réglementaires toujours plus strictes, la gestion des risques amiante doit être envisagée comme un pilier central de toute politique QHSE.


Et vous, comment intégrez-vous la problématique amiante dans vos projets de réhabilitation ? Avez-vous déjà rencontré des difficultés de coordination sur ce type de chantier ?


#QHSE #Amiante #SécuritéChantier #CoordinationSPS #PréventionRisques


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